À propos des masques

Mask or not mask.

À propos des masques

Depuis le début de cette désastreuse pandémie de Covid, le mot masque revient dans la bouche de tout le monde. Tout comme tant d’autres qui ne voulaient pas dire grand chose dans notre vie courante, et qui en deviennent d’un coup la monnaie courante, tels que le geste barrière, la distance sécuritaire etc. Ce qui a retenu mon attention, est que deux ans après, il est toujours très difficile de chercher dans les moteurs de recherche ce mot « masque » sans tomber sur des tas d’articles autour de Covid-19. Vous allez certainement tomber sur des pages de proposition comme chirurgicaux, FFP2, FFP3, KN95 etc. Du charabia il y a deux trois ans pour la plupart d’entre nous. Et pourtant, le mot a bien plus de sens. Alors je me suis lancé dans des recherches dans cette direction afin de rappeler un peu son étymologie et pratique, ainsi qu’un peu de réflexion en corrélant avec les actualités. Et surtout en rapport avec les différentes traductions possibles en chinois.

Le mot « masque » est un emprunt du XVI de l’italien maschera, qui signifie ‘faux visage’. Le radical préroman « maska » ,noir, donne par la suite en latin « sorcière, démon ». Il existe en pleins de pays et langues différentes, cette association avec noirceur, sorcellerie, démon dans l’imagination populaire.

Le mot « masque » prend le sens « faux visage que l’on met pour se déguiser » au 16ème siècle. Il désignait à la fois la personne qui le porte et la pièce. Ainsi que le sens métaphorique « apparence trompeuse » connait le jour. À partir du 19ème siècle, par analogie de forme, le mot change de fonction. Il sert à désigner toute espèce de protection du visage, dans des secteurs différents. Nous pouvons avoir un masque à gaz dans l’armée, un masque pour les apiculteurs, pour les médecins, les ouvriers qui soudent, les sportifs comme des escrimeurs, tout en même temps que pour les artistes sur scène encore comme le masque vénitien. Et une petite extension même par fonction, le mot peut désigner également un abri sur une cote qui protège les navires du tir ennemi etc.

Et, qu’y a t-il de plus naturel que les commerçants qui on du flaire sortent des masques fantaisies.  Des masques avec comme motifs, pour faire rire, faire peur, faire le viril. Des cinéastes qui s’appuient dessus pour susciter de la peur ou curiosité. « le fantôme de l’opéra », « mask », « scary movie » et pleins d’autres. Il y a même ce fameux filme « clown » qui fait rire, peur et pleurer en même temps. Quel inspiration! Coulrophobie et Maskaphobia en combiné. Parce que nous mettons un masque pour ‘masquer’, des identités, des émotions. Nous mettons un masque aussi pour montrer autres choses que nous sommes. Et dans le cas des personnes malintentionnées, la peur suscitée par cet objet est parfaite pour ce qu’ils ont envie d’entreprendre.

Et comment dit on cela dans une langue lointaine tel que le chinois? En chinois, les équivalents se disent différemment selon contexte ou utilisation. Dans le sens commun avec les langues alphabétiques et dans le contexte médical, masque médical se dit en chinois « KouZhao 口罩 ». Si nous traduisons littéralement cela veut dire « Kou 口» pour bouche, et « Zhao 罩 » pour couverture. Et bien entendu, nous ne devons dans le contexte covid ou pas, ne couvre que la bouche, le nez n’est pas à négliger. Or, tous les sinophones s’accorderont à dire qu’une « couverture de Bouche et nez » fait bizarre. Comme le volant qui se dit Fangxiang Pan 方向盘, (un disque de direction) qui ne gère bien plus que de la direction. Aujourd’hui, le volant peut gérer le son, les feux, lex menus, Klaxon etc. Nous ne pouvons bien évidemment pas donner un nouveau nom à chaque fois une nouvelle fonction s’y ajoute.

Maintenant, si on veut aller hors contexte médical, il y a :

Des masques dans l’opéra, en chine comme en Europe. De l’époque Molière à aujourd’hui, le masque ne manque pas de référence dans ce domaine dramatique. D’ailleurs, ne veut pas par ce même mot « dramatique » dire également une catastrophe? Et le masque dans la pandémie est bien une catastrophe sanito-sociale. Enfin bref, dans l’opéra de Sichuan 川剧, il y a une particularité qui s’appelle « BianLian 变脸». Si je traduis littéralement cela veut dire changer le visage. Le mot « masque » ici correspondrait à « Visage ». Le maitre dans cet art arrive à changer quelques dizaines de visage, et à chaque fois en moins d’une seconde. Dans l’opéra de pékin 京剧, cette fonction est remplacée par de la peinture directement mise sur le visage. Nous l’appelons « Lianpu 脸谱», dessin sur le visage. Chaque masque est précis dans les plus minutieux détails et chaque personnage a son propre visage. Tout un art! Un autre exemple dans le même domaine est le masque pour les rituels comme en Afrique. Encore une fois, c’est le coté symbolique qui a été mis en avant. Souvent une image qui fait peur aux personnes étrangères de la culture africaine.

Dans le cas sportif, en escrime, nous disons en chinois « Mianju 面具» outil ou ustensile de visage car « mian 面» veut dire visage et « ju 具» ustensile ou outil. Nous voyons bien distinctement ici l’aspect pragmatique et usuel. Dans la natation ou plonge aussi, il y a ce masque qui nous permet de respirer sous l’eau, que nous appelons en chinois « Mian zhao面罩 », une couverture sur le visage. Et si on veut préciser l’oxygène qui est avec, nous dirons « yangqi氧气 mianzhao »


Dans le contexte cosmétique, souvent les femmes mais bien évidemment pourquoi pas les hommes se font des masques. Un produit bourré de nutritions bénéfiques ou carrément un tissu trempé dans du liquide vertueuse, que l’on se met sur le visage pour son bien être et le regain de vitalité. Dans ce contexte, nous disons en chinois « mian mo 面膜», « mian 面» pour visage comme souvent cité ci dessus, et « Mo 膜» signifie pellicule ou film. Autrement dit une fine couche de matière à mettre sur le visage. J’avais vu une fois, sur la toile bien sur, à vérifier, qu’une marque propose des masques à mettre sur les fesses. Doit on dans ce cas là dire, « tun mo 臀膜»? Une fine couche sur/pour les fesses?


Il y a des masques à mettre sur le visage(un masque de l’opéra), sur toute surface de visage(un masque de natation ou protection en escrime), sur toute la tête(un masque à gaz pendant la guerre), seulement sur le nez(une nouvelle mode Kosk), sur la bouche en cachant ou sur la bouche (masque chirurgical) mais en gardant la transparence(masque inclusif).

Il y a aussi ces masques que l’on porte la nuit sur les yeux et pour dormir. Nous les appelons en chinois « yan zhao 眼罩», ce qui signifie respectivement « oeil » et « couverture » . Dans la même lignée, des masques transparents que nous mettons sur la tête en écran, afin de mieux respirer, nous les disons en chinois « mian zhao 面罩» donc, visage et couverture.

Et en dernier, nous disons qu’une personne se voile la face, ou « poker face », pour dire soit se refuser d’admettre la réalité ou le manque d’expression faciale, volontaire ou pas. N’est ce pas une autre variété de masque? Il y a une émission de télé « mask singer » dont le principe se consiste à faire porter des masques (déguisement) aux chanteurs connus et faire deviner l’identité de ces chanteurs.

Les masques sont là pour nous protéger, dissimuler, faire démarquer des autres, stimuler des sensations, permettre à dire ou faire des choses que nous n’oserons jamais le faire sans (une autre forme de protection?). En résumé, c’est pour que nous changions d’identité. En portant un masque, nous devenons un être différent. Plus fort, plus courageux, plus drôle plus dangereux etc.

J’ai remarqué aussi que depuis le début de la pandémie, le port de masque obligatoire a connu aussi plusieurs sorts. Au début, il est clairement considéré comme une démarche liberticide, une contrainte. Non seulement nous sommes habitués à dire non à tout ce qui nous est imposé, mais aussi il est réellement un obstacle respiratoire aussi. Je suis habitué à porter un masque anti pollen pendant le printemps depuis de longues années, et je me suis fait déjà agresser verbalement au début de la pandémie car la personne en face a fait le rapprochement réducteur entre un visage asiatique, un masque et la pandémie qui est selon certains une fuite d’un labo en Chine. Et donc cette association a tout pour lui faire peur. Après, avec la situation qui s’est aggravée, et la pénurie sur le marché, le masque est considéré pour les consommateurs un produit presque de luxe. Et ces derniers temps, la restriction de port de masque est levée, mais certaines personnes vulnérables préfèrent encore le faire afin de mieux se protéger. Je comprends parfaitement leur position et démarche. En revanche, ce qui est assez ironique voire drôle, est qu’il m’arrive de me faire agresser verbalement maintenant parce que je n’en porte pas. Et j’ai vu aussi qu’avec notre société de consommation hyper réactive, les jeunes ont choisi sa couleur, son motif et son modèle etc. Cela devient un accessoire qui permet à la jeunesse de s’affirmer.

Et comme la pénurie est finie, le marché est saturé de toutes les qualités et tous les prix déjà. Il n’est plus rare de voir en foret ou sur d’autre lieu public ce si précieux objet il y a peu de temps, s’allonger par terre comme un mal propre. Il semblerait qu’il faut quelques décennies voire plus pour qu’un masque soit biodégradé.

Oui, la pandémie a bien modifié notre mode de vie, y compris à travers cet objet si simple qui s’appelle « masque ». J’avais entendu un expert dire que le plus difficile maintenant n’est pas d’apprendre à vivre avec le virus, mais de savoir vivre avec des gens qui ne partagent pas nos croyances, conviction politique et moeurs. Sinon nous allons tôt ou tard faire face rapidement à d’autres catastrophes naturelles et nous ne saurons toujours pas tirer une bonne leçon d’aujourd’hui. Il est temps de jeter le masque (dans un lieu adéquat bien naturellement) et de faire face courageusement les vraies origines de ces problèmes.